Rivière-du-Loup, crédit photo Chantale Côté |
De son côté, le journal de bord était tenu avec rigueur, je vous assure. Météo, analyse des marées et courants, route prévue, route tenue. Ma responsabilité : je suis skipper. Les bris, les bons coups et les autres, les anecdotes, les rencontres, bien des éléments sont inscrits. En marche, je fais un peu de zèle : je note aux heures notre avancée. En mer, cela s'effectue au quatre heures. Toutefois, sur le fleuve, j'estime qu'avec les difficultés inhérentes à cette navigation, parmi les plus difficiles au monde, je ne peux prendre trop de précautions. Et mes soirées passent bien souvent en planification quoique je suis souvent dérangée par les couchers de soleil, les nuits étoilées, les colonies de pingouins qui papillonnent autour de nous, les phoques, bélugas et autres mammifères marins qui s'ingénient à nous embellir la vie. Alors une phrase s'inscrit sur un bout de papier entre des calculs de renverse de marées et de courants — non simultanées afin que rien ne soit simple —, une autre sur un brouillon de météo maritime pris au vol sur la fréquence de la garde côtière. Des ébauches de haïkus se glissent dans la paperasse. Puis des moustiques me rendent une nuit infernale et donnent naissance à un texte… Et la rédaction du journal de bord se poursuit.
L'été, je cesse d'écrire parce que j'écris sans cesse. Le vent soulève la plume.
© Colette Bazinet, 2014