mardi 18 septembre 2012

Ma jeunesse a 60 ans


 Tout remonte d’un coup. Ce rock endiablé que nous avions swigné alors que nous étions tous deux piètres danseurs; ces échappées à trois décidées sur un coup de tête, pour rejoindre le chum de ma cousine dans le nord; ces pleins d’essence faits auprès d’un ami pompiste qui nous en mettait le plus possible pour 2 $, notre fortune du moment; ces trips gelés comme une balle; tout le pot reçu en cadeau de noces oublié quelque part; les partys d’Halloween délirants. Une nostalgie soudaine. Une nostalgie qui fait fi des gouffres financiers et humains vers lesquels nous filions à vive allure. J’avais 20 ans.

Le père de ma fille a eu 60 ans. Gorge nouée. La vieillesse arrive aussi vite que tout ce qui fuit.

lundi 3 septembre 2012

Texte tendre à propos de la mort


29 août 2012 : rentrée scolaire en maternelle 4 ans. Cédrik a eu un bien gros été.

Fin mai, la tante Lise décède. Elle fut exposée, du moins ce qui restait de son être tangible. Premier contact de l'enfant avec un corps, un corps connu. Il n’avait encore que trois ans. Il ne l’avait pourtant pas vu souvent, trois jours de l’An tout au plus. Mémorables : « C’est là qu’en ouvrant la porte il y avait plein de monde? » Et Lise parmi tous ces gens, l’hôtesse, il savait de qui il s’agissait. Arrivé au cercueil, il stoppa net, stupéfait. Au cours de la soirée, il revint souvent. Quand le cousin Antoine, six ans, arriva, il le prit par la main pour lui faire voir. À la fin de la soirée, dans mes bras, je discutais avec mon oncle, le veuf, et mes cousines. Je faisais dos au cercueil, lui regardait par-dessus mon épaule. : « Je comprends : c’est une statue! » Comment expliquer la mort aux enfants? « Oui, c’est comme cela avant de devenir une étoile, tu la préfères comme cela n’est-ce pas? » en me dirigeant vers les chevalets où des montages de photos montrait Lise souriante, vivante. Il acquiesça.

Fin juillet, à la suite d'une leucémie fulgurante, mon père - arrière-grand-père de Cédrik - décède à son tour. Figure bien plus présente cette fois. Le petit avait eu ses quatre ans entre temps. Mon père ne voulait pas être exposé. Sa mère lui avait expliqué que cette fois, c’était allé trop vite, qu’il était déjà une étoile. J’ai rassuré mon petit-fils, lui disant qu’il n’y aurait qu’une photo, pas besoin d’expliquer l’urne quand même. Quoique son fameux cousin s'en chargea, expliquant que leur grand-papa était rapetissé dans celle-ci. Cédrik n'adhéra pas du tout à cette thèse.

Je le pris dans mes bras afin de m’approcher de l'urne, il était craintif. En voyant les fleurs, il s’exclama : « J’aime les rouges! »

À son retour, il décréta que son grand-père était la lune. L'urne métamorphosée en lune, le génie des enfants. Surtout, il lui fallait une représentation aisément repérable.

Le 29 août au soir, après sa première journée d’école, à l’heure du bain, il parlait à sa mère.

-       Grand-papa Bazinet est venu me faire coucou!
-       Ah oui, comment cela?
-       La lune est venue proche deux fois. C’était grand-papa avec sa montre qui brille!

C'est qu'elle était grosse la lune ce soir-là, à son lever. Quasi pleine, particulière ce mois-ci, bleue disait-on. Immense et dodue en émergeant entre deux nuages.

Mon père faisait de la grande séduction avec sa montre, il faisait écouter les tictac aux enfants.

Cédrik profita des soirées suivantes pour présenter son arrière-grand-père à qui passait chez lui.