mercredi 17 août 2016

Bribes cherchent route

Bribes de phrases, amalgames de mots, images évanescentes. Après des mois tranquilles à passer au travers chaque journée, faible du matin au soir, à sommeiller beaucoup, à tenter des nuits pas trop entrecoupées, à récupérer l’énergie évaporée, j’émerge doucement. Je lis.

Des journaux, puis des romans, des nouvelles, de l’écriture poétique. Depuis une quinzaine, une bifurcation : revues de photographie, sans toucher à l’appareil; livre sur l’écriture de fiction, deux textes me font des clins d’œil que j’évite; des feuilles de musique s’installent au lutrin, les instruments demeurent presque silencieux. Un espace créatif serait-il en train de se remettre en place?

Une amie m’a gentiment dit que j’avais dû me tourner vers l’intérieur, étape nécessaire. J’avais si peu de capacité. Par moment, il fallait que deux ou trois préposés s’assistent pour me tourner un peu sur le côté dans le lit hospitalier. Et je les rappelais quelques heures plus tard pour un nouveau virement. Pourtant, cela ne me démoralisait pas. C’était là, comme ça, pour ce moment précis. Et l'on se remémorait cela, il y a quelques jours, en riant comme des malades.

Même si l’on ne connaît jamais l’issue de tels passages, l’on sait tout de même qu’il y en aura une, qu’elle soit à notre goût ou non. Nous sommes des êtres mortels.

Et voilà que j’émerge, pas neuve, modifiée, progressivement fonctionnelle. Toujours vivante. Toujours en traitement et en attente d’autres traitements. Mais vivante, à me demander ce qui m’importe pour aujourd’hui. À être à l’écoute des fragments d’imaginaires qui se pointent ici et là.

Et je lis à propos d’espaces de création. Ces quelques mots se dessinent à l’écran.

Aujourd'hui, les enfants recevront des bleuets cueillis par ma compagne et des tomates cerises de son jardin.




© Tous droits réservés, Colette Bazinet, 2016



jeudi 11 février 2016

Au-delà du néant présent

   À partir de l'instant où j'ai compris la pleine signification de l'entre-temps, j'ai réalisé qu'il s'agissait d'un néant présent. Rien de plus, rien de moins. Que lui manquait-il pour devenir un moment présent? En tout cas, ce n'était pas la présence. Présence au vide et du vide, présence à une soumission au sort, une résignation, cette étape du deuil qui n'a rien à voir avec l'acceptation, selon Elisabeth Kübler-Ross.
   Je frappais un mur. Un mur tranquille mais un mur tout de même. Celui qui m'empêche de voir au-delà du bout de mon nez, de rêver, de me projeter. Je me croyais sage, alors que j'étais passive. S'assoir et regarder l'herbe pousser a ses vertus. Cependant, si je m'aperçois que l'herbe sèche et que je ne l’arrose pas, où se trouve la sagesse, à quoi tient-elle?
   J'ai donc tenté de déplacer mon regard, d'y mettre davantage d'attention. Que se passait-il exactement, que pouvais-je changer? Une petite phrase m'est revenue : s'occuper du lendemain sans s'en préoccuper.
   J'ai réalisé mon immobilisme, ma paralysie. Non seulement je ne planifiais plus rien, mais je n'attendais plus rien, sauf des réponses, me disais-je, qui viendraient en temps et lieu. Je ne vivais plus, j'existais.
   Une autre vérité a par la suite émergé à fleur d'eau de ma conscience : celle que je répétais lorsque je croisais quelqu'un qui savait vivre ses derniers moments, qu’il s’agisse d’années, de mois ou de minutes. Parce que nous savons tous que nous allons mourir, même si nous vivons la plupart du temps dans le déni de cette réalité. La sentence : tant qu'on n'est pas mort, on est vivant!
   Je suis passée tranquillement à l'action, m'occupant à poser les gestes requis pour la préparation de l'été prochain, sans m'en préoccuper, advienne que pourra! L'été arrivera et rendue là, je m'adapterai.  Parce qu'il n'y a pas de moment présent sans lendemains.




© Tous droits réservés, Colette Bazinet, 2016 

dimanche 31 janvier 2016

L'entre-temps

On suggère fortement aux gens qui aspirent au bonheur de vivre le moment présent. Le seul qui existe, paraît-il. Aussi fugitif soit-il. Pourtant, ces derniers jours (oui oui, ceux d'hier et du passé déjà), alors que je croyais vivre le présent, je me suis vue en pause dans un désert. Comme lorsque je pousse le bouton pause pour mettre en suspens ce qui joue sur un appareil. Sans le foisonnement, le cycle plein, la période riche qui peuvent être sous-tendus. Celle qui arrive dans une sorte de cul-de-sac. Car le sahel, lui, a ses richesses. Il ne s'agit pas de ce désert-là.
J'étais arrêtée, immobile dans un temps blanc, un paysage blanc. Peut-être une étendue de neige? Il n'y faisait ni chaud ni froid. Un grand vide. Une panne dans le néant. Je ne ressentais rien, n'anticipais rien. Une plage calme, une lassitude résignée, un mode économie d'énergie. Pas même une attente. Ni moment présent, ni contre-temps. Un entre-temps.


© Colette Bazinet 2016