mardi 29 mai 2012

Pendant que tu es là

J’ai le cœur gros, toutefois je n’attendrai pas que ta présence devienne incertaine. Ma tendresse pour toi doit s’exprimer avant que se pointe l’absence. Oui, les mots résonnent bien dans les cathédrales, mais jamais autant que dans les voûtes de mon cœur et du tien, je l’espère.
Tout n’a pas été facile, ce serait illusion. Rien ne l’est jamais de toute façon. Père aimant et exigeant, il m’a fallu pour m’affirmer beaucoup de détermination, héritée de toi elle aussi.
Tu ne comprenais ou n’approuvais pas tous mes choix de vie, pourtant, tu as toujours été non seulement là, mais ouvert et en questionnement, cherchant à saisir par ta grande sensibilité ce que je vivais. Jamais ta loyauté — qualité rare par les temps qui courent — n’a été altérée. Je t’ai vu, entendu questionner et t’émouvoir lorsque tu te laissais saisir de l’intérieur par des réalités auxquelles le Québec des années 30 et 40 ne pouvait te préparer. Tu écoutes les temps qui changent, les gens que tu aimes — et même les autres — tout en te restant fidèle.
Il faut que je te dise merci. Merci pour l’homme de qualité que tu es, le modèle d’authenticité, de rigueur et d’honnêteté intellectuelle, d’ouverture, de sensibilité aux injustices, merci pour ton engagement.
Merci pour ton savoir partagé. Tu ne te rappelles sans doute pas la leçon de réparation d’une crevaison. Ce jour-là, j’avais peut-être 8 ou 9 ans, tu expliquais l’opération à Sylvain dont le vélo avait une crevaison. Ne me sentant pas concernée et voyant déjà cette tâche pour les garçons, je m’apprêtais à partir quand tu m’as interpelée. « Tu as une bicyclette toi aussi, il faut que tu saches! » J’ai su à partir de ce jour que tout m’était permis et possible. Tu aimais enseigner, ouvrir les horizons, faire découvrir, nous apprendre à observer. Lorsque je raconte cet épisode à mes amies, où l’apprentissage technique est sans égard au fait d’être fille ou garçon, plusieurs m’envient.
Et tu m’as emmenée au bout du monde. Pas juste moi, toute la famille. À vous deux, vous transportez les montagnes.
Merci, plus profondément encore, pour ton soutien infaillible dans les périodes difficiles que j’ai vécues comme mère ainsi qu’aux autres moments que tu sais. Merci pour ton appui dans mes projets fous. Merci d’avoir rêvé et tenté de réaliser tes rêves. Merci pour cet amour que tu as partagé avec nous, celui pour maman et celui des enfants et petits-enfants que nous sommes.
J’aimerais que la mort n’existe pas et ne nous sépare pas. Tu partiras, tu me manques déjà, que ferai-je après? Je le sais, la vie - cet accident de la nature - continuera. Tu seras toujours là, dans mon cœur et mes pensées. Tu y as toujours été, pourquoi cela changerait-il?
Mais tu ne veux pas que l’on ne parle que de « ça », tu désires que l’on se parle de vie. Et c’est ce que je souhaite : que chaque jour, que chacune de tes minutes soit remplie de vie et d’amour, que nous partagerons jusqu’au bout.
Papa, je t’aime, je t’aime et je t’aime. Et comme je vous vouvoie, avec un sourire, je vous dis : je vous aime. Vous me reconnaîtrez mieux ainsi.
Et ne vous inquiétez pas, je n’oublie pas maman que j’aime. Je suis là, nous sommes là. Mais aujourd’hui, c’est à vous que je m’adresse.

Je t’embrasse et te serre fort.
Ta fille,
Colette XXX

samedi 5 mai 2012

papier

C'est décidé, j'opte pour le papier. Décidément, les textes brefs appellent la plume plutôt que le clavier.
Je suis installée sous la tente, dans la brume, sans cellulaire pour appeler à la maison, que des courriels. Retour vers le passé. Le fil continu me reliant à la maison est rompu. Le retour en bénéficiera. Belles retrouvailles en perspective ! (je sais, je sais,même si ce n'est que quelques jours) :o)

De la bibliothèque de Provincetown, la vue sur le port est magnifique.

jeudi 3 mai 2012

Si semblables, si étranges

La twilight zone passée, la route devient lisse. Je file à vitesse Kyoto pendant des heures. Une pause s'impose. Le plein, un café, des macarons ! Petits bonheurs. Je regarde les gens. Familiers, tenue vestimentaire, gestuelle, langage corporel. Même le format, rien à voir avec les géants de l'Ouest. C'est quand la physionomie s'anime qu'il faut se méfier. La bouche s'ouvre pour émettre une cacophonie. Des sons sortent en charabia ! Je ne m'y attendais plus, une autre langue. Étrange.

Je reprends la route en compagnie de Joan Baez. À l'approche de Boston, surprise, des véhicules doublent à toute vitesse sur l'accotement. Je verrai une bonne heure plus tard, sur un panneau routier, qu'il s'agit d'une pratique autorisée à certaines heures.

Pause à Sandwich. Pourquoi pas, j'y lunche. Et j'y dormirai. Les pommetiers sont en fleurs.

mercredi 2 mai 2012

Tout vert

Des éclaircies ont parsemé ma route. Me voilà dans une petite auberge à Ayer's Cliff, avec le couchant. En m'éloignant de Québec, les verts tendres clairsemés se sont faits de plus en plus insistants. Le sud est plus fort que la montagne. En route pour Ptown demain, je verrai si c'est avec ou sans escale, selon la fatigue de la conductrice. Deux jours de flotte annoncés, pour un retour au camping sous la tente, hum. À voir.
Par ailleurs, j'ai fait un arrêt chez des amies de Ste-Cathetine de Hatley. J'en suis repartie avec le nom d'une franco-suisse-peintre-lesbienne de Ptown. Petite planète. J'espère avoir l'occasion d'un café.

Ce séjour de ressourcement et d'écriture s'annonce riche.