Dans ce roman, deux mondes se côtoient : le monde sémite antique — celui de l'histoire sainte comme disaient les anciens — et le Québec contemporain. Je ne me rappelle pas dans quel ordre c'est arrivé. Chose certaine, j'extirpais la prostituée de l'Ancien Testament, celle qui accueille les voyageurs. Accueillir les voyageurs, le plus vieux métier du monde. Je l'ai appris lors d'une formation en emploi à notre honorable ITHQ (Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec). La prostituée de Jéricho était donc aubergiste. Elle se nomme Rahab.
Dans le village de la Côte-du-Sud, il y a un hôtel et son bar tenus par une ex-toxicomane, celle qui trouvera et hébergera la femme amnésique. Comment la prénommer ? Je tire — ou elle tire — par les cheveux et voilà : elle s'appelle Rahab ! Comme celle de l'Ancien Testament ! Rahab Boisvert, Québécoise pure laine, avec un nom de famille attribué Premières Nations, Boisvert. Bon, je change un peu l'orthographe, j'écris Ra'ab pour l'ancienne, Rahab pour la nouvelle et grimace de cette gymnastique trop évidente.
Eh bien non, c'est raté, je n'ai rien inventé du tout, rien exagéré, rien tiré par les cheveux. En donnant une causerie au centre des femmes de Beauport, une des participantes, Aline, raconte : « Mon arrière-grand-mère est née à Tadoussac et a vécu à Baie-Sainte-Catherine, et bien comment s'appelait-elle ? Rahab Savard ! » Elle apprenait enfin d'où ce prénom venait.
© Colette Bazinet 2014