mardi 23 décembre 2014

Le rêve secret de Sophie, une petite histoire pour le temps des Fêtes

Voilà donc le texte. C'est sans prétention, pour le plaisir d'une note arc-en-ciel à ce temps de l'année.
Je souhaite un super beau temps des Fêtes à toutes et à tous, que ce soit dans une solitude sereine ou des danses endiablées!

********************************************************************************

Elle[i] était une fois, une petite fille prénommée Sophie. Habituellement enjouée, voilà qu’elle se sentait très triste. Noël approchait pourtant. Natasha, sa meilleure amie, frétillait : elle concoctait d’interminables listes de cadeaux et rêvait du réveillon, de la visite, des surprises. Ses yeux scintillaient! Sophie, au contraire, morose, n’était même plus certaine de vouloir grandir. Jusqu’aux vacances des Fêtes qui ne la réjouissaient plus. C’était de la faute à Natasha.
Les deux copines s’étaient juré fidélité à la vie à la mort. Un pacte. Jamais elles ne se laisseraient tomber! Or, voilà que Natasha déclama qu’elle marierait Ludovic, de la classe voisine. Sophie, abasourdie, se sentit trahie. Elle pleura beaucoup ce soir-là, en cachette. Une tempête, née dans son ventre, arrivée d’un coup, avec des éclairs qui lui déchiraient l’abdomen, la torturait. Sa maman Gabrielle l’entendit gémir dans sa chambre et décida de la garder à la maison le lendemain. La petite faisait un peu de fièvre. Mais Sophie ne dit rien, incapable d’expliquer ce qui n’allait pas.
Courageuse, la fillette profita du congé pour finaliser sa liste de cadeaux destinée au père Noël. Cela ne la réconforta pas. Il en fallait davantage. Si elle écrivait à la Fée des Étoiles-qui-éclairent-la-nuit, peut-être celle-ci comprendrait-elle mieux? Elle s’y mit et lui confia son vœu le plus cher. Elle conjurerait le mauvais sort! Si son souhait, si important, ne se réalisait pas, elle ne croirait plus ni au père Noël ni à la Fée des Étoiles. Il lui fallait vaincre l’ombre. Sa mère posta au pôle Nord les précieuses missives.
Sophie combattait au mieux la tempête dans son ventre, mais celle-ci prenait de l’expansion et éteignait même le pétillement de ses yeux. L’enfant dut retourner en classe.
Arriva le moment de choisir et de monter l’arbre de Noël. Sophie eut l’idée d’inviter sa marraine Mathilde – n’avait-elle pas une meilleure amie elle aussi? Sa maman savait à quel point sa fille adorait sa sœur et trouva l’idée géniale. Gabrielle s’inquiétait, elle avait lu les lettres.
Tout en participant au montage du sapin et des décorations, Mathilde, informée, observait sa filleule. Prenant une pause, la marraine s’assit près d’elle.
– Tu sais, la fête de Noël existait bien avant le petit Jésus. Ça portait d’autres noms. On fêtait le début du monde. Connais-tu le solstice d’hiver? 
− Jésus, je ne le connais pas tant que ça, alors là, ton affaire! répondit Sophie, la mine étonnée.
− Le solstice d’hiver marque la fin d’une année et le début de la nouvelle. Il s’agit de la nuit la plus longue de l’année. Après la grande noirceur vient le retour de la lumière, de la vie, une minuscule minute à la fois.
Sophie devint très attentive, elle raffolait de ces histoires.
− Dans les temps anciens, l‘on soulignait le printemps, le temps des semences, puis la plus longue journée, le solstice d’été. Venaient les moissons et finalement, l’hiver où tout recommence! Chaque saison donnait lieu à de grandes fêtes!
Mathilde étreignit sa préférée et enchaîna :
− Le sapin, lui, qu’est-ce qu’il a de particulier?
Sophie réfléchissait, se grattait la tête. Elle en avait oublié ses soucis, suspendue aux lèvres de sa marraine. Devant tant de réflexion, Mathilde ajouta un indice.
− Par rapport à un érable par exemple?
– Il reste toujours vert!
− Exact! C’est pour ça qu’il représente l’arbre de vie. Y vivait Lilith, la première femme. Une femme libre comme le vent! Libre de choisir ses amours, égale à l’homme, pleine de connaissances.
La marraine se tut un moment et poursuivit :
− Quand on entend le vent dans les arbres, c’est elle. – Elle baissa encore le ton. − Il y en a qui n’aimaient pas ça une telle femme, alors ils ont ajouté Ève et transformé Lilith en méchante sorcière. Mais en réalité, je te le répète, elle vivait libre, soumise à personne!
– Une sorte de fée? souffla Sophie sur le même ton, ravie par ce récit. Vraiment, Mathilde incarnait la véritable fée-marraine.
La mentore acquiesça d’un air entendu. Ça avait bien de l’allure. Puis, elle se mit à discuter avec sa sœur de la réception du 26 décembre.
– Pourquoi pas à Noël? s’enquit Sophie.
– Oh! C’est en plus! Pour une cérémonie spéciale. Cette année, le solstice et la lune  noire ont lieu en même temps, le 21 décembre.  Ce sera le règne des ténèbres! Le 26 sera la première journée avec une minute de plus de clarté! Alors, on fêtera la lumière : la lune croîtra et le jour allongera. Chloé et moi avons décidé d’organiser chez nous, le 26… un rituel pour souligner notre engagement mutuel. Nouvelle année, début d’un temps nouveau!
Mathilde esquissa un sourire coquin. Sophie fronça les sourcils, quelque chose se transformait. Un joyeux gargouillis lui chatouillait le nombril. Qu’était-ce donc que cette affaire d’engagement mutuel?
– Ta mère est au courant, mais chut! Garde le secret! Je ferai la surprise aux autres!
Les deux sœurs observaient une lueur s’installer au fonds des prunelles de la fillette. Complices, elles avaient visé juste. Toutefois, quelque chose échappait encore à Sophie.
Les dernières semaines d’école se passèrent mieux, mais la tristesse – comme une petite valise grise traînant dans le cœur de Sophie – revenait lorsqu’elle croisait Natasha.
À Noël, elle reçut ses cadeaux, sauf l’essentiel. Peut-être aurait-elle sa réponse le lendemain? Sophie désirait ardemment, tout comme sa marraine-idole, vivre avec sa meilleure amie. Quand elle serait grande, bien sûr! Rêve vite brisé. Voyons, une fille peut juste se marier avec un gars! avait fermement déclaré Natasha. Sophie n’avait osé la contredire, même si elle avait cru entendre le contraire dans sa famille.
En débarquant chez sa marraine, tout s’éclaira. Le condo était bondé, les deux familles, des amies, toutes et tous festoyaient avec Mathilde et Chloé. Pour la première fois, Sophie comprit que les deux femmes étaient amoureuses! Elle s’émerveilla de les voir radieuses, tellement belles, vêtues d’étoiles, de lune, de soleil et de mer!
Les amantes célébraient leur union à leur façon, sans loi, devant les leurs et à la face du monde. « Une sorte de mariage », lui glissa Gabrielle à l’oreille. Sophie n’avait pas besoin de cette explication, elle venait de trouver sa vérité. La Fée Lilith-des-Étoiles avait exaucé son vœu. C’était le commencement du monde, tout s’ouvrait. Tout comme Mathilde et Chloé, Sophie passait de l’obscurité à la lumière. Elle pourrait rester amie avec Natasha et un jour, elle rencontrerait une amoureuse. Elle aussi!



[i] Le féminin inclut le masculin

*********************************************************************************

Première publication dans le journal Sortie de décembre 2014, pages 9 et 10. Merci de ne pas reproduire en tout ou en partie, sous quelque forme que ce soit, sans l'autorisation de l'auteure.




© Colette Bazinet 2014

jeudi 11 décembre 2014

Conte de Noël lesbien pour tous et pour toutes

   Je me suis bien amusée. Je ne sais pas s'il est bon, il s'agit de ma première tentative dans le genre. De plus, j'ai toujours été nulle pour raconter des histoires. Mais voilà. J'ai reçu un appel d'Olivier Poulin, directeur général en fin de mandat de GLBT Québec (récemment rebaptisé Alliance Arc-en-ciel), me demandant si écrire un conte lesbien pour le journal Sortie de décembre m'intéressait. Quelqu'un d'autre, un homme, je présume, en écrivait un gai. Alors, je me suis lancée !
   J'ai eu bien du plaisir. Le défi exigeait bien de l'élagage puisque le texte devait tenir en 1000 mots et je disposais d'environ deux semaines avant la date de tombée, en tout cas, moins de trois. De plus, je désirais plonger dans des mythes anciens, antérieurs au christianisme. Super stimulant!

Alliance Arc-en-ciel de QuébecOlivier quitte cette semaine l'Alliance, dans l'espoir de relever d'autres défis, comme le veut l'adage. Je lui souhaite bien du plaisir et du succès, mais je tiens surtout à le remercier pour sa contribution à nos collectivités ainsi que, sur le plan personnel, pour les opportunités qu'il m'a offertes tant en écriture qu'en animation. Olivier est un homme qui cherche à valoriser les contributions de chaque membre de la communauté.

Un nouveau dg est arrivé, Yvan Fortin, un autre individu engagé et connu dans le milieu. Je suis certaine qu'il saura rallier les communautés, tout comme Olivier l'a fait.


   En tout cas, si vous avez le goût de lire ce texte, le numéro de Sortie  devrait sortir (sans pléonasme) le 16 décembre 2014. Un conte de Noël, c'est pour tous et pour toutes!





© Colette Bazinet, 2014